Non à la carrière !

Les habitants du petit village de Cahaignes dans le Vexin Normand ont pris connaissance au mois de mai dernier, brutalement, par l’ouverture d’une enquête publique décidée par le Préfet de l’Eure, d’un projet de création d'une carrière d'argile à ciel ouvert, presqu’au cœur de leur village, sur la commune de Vexin sur Epte (27420).

Porté par la société Terreal pour alimenter en argile leur usine de production de tuiles des Mureaux (Yvelines), il consistait en effet en l’exploitation sur 30 à 50 ans d’une carrière à ciel ouvert d'une superficie de 24 ha, dont près de 20 ha concernés par l’extraction, actuellement réservés à un usage agricole.

L’opération a provoqué un émoi considérable dans la population de ce petit village, car la carrière était censée s’installer à 50 mètres des premières habitations et à 150 mètres du coeur historique du village, avec un front de fouille de 29 mètres de profondeur.

Sur le plan environnemental, le projet prévoyait, outre les atteintes violentes aux paysages et l’artificialisation des sols, la destruction de plus de 1000 m2 de zones humides et de près de 5000 m2 de bois. De nombreuses sources étant présentes sur le site et à proximité, le projet avait aussi des impacts sur les circuits naturels de l’eau. Dans la synthèse de son avis, l’Autorité Environnementale s’en inquiétait: « Sur le fond, l’identification des enjeux mériterait d’être approfondie.L’analyse des incidences du projet sur l’environnement et la santé humaine apparait par ailleurs trop synthétique, et certains impacts, sur les sols et sous-sols ont été écartés sans justification alors même que l’autorité environnementale les considère importants. Les autres enjeux identifiés par l’autorité environnementale sont la biodiversité, l’eau et les milieux aquatiques, le paysage, le climat, l’air et la santé humaine. D’une manière générale, le dispositif de suivi des mesures d’évitement, de réduction et de compensation est insuffisamment détaillé ».

Pour les riverains, l’inquiétude portait bien évidemment sur les nuisances de bruit liées à l’extraction et aux passages des camions qui, sur une route de campagne longeant deux aires de sport et de jeu d’enfants, devaient traverser le village pour rejoindre un itinéraire qui les auraient fait traverser Vernon pour rejoindre les Mureaux (jusqu’à 60 passages/jour), sur les poussières dont la silice cancérigène, les vibrations et les mouvements de sol et de sous-sol pouvant avoir des effets sur le bâti existant, avec toutes les conséquences possibles en termes de dévalorisation de leurs habitations.

L’enquête publique devait durer quelques semaines, la colère manifeste des habitants a provoqué par deux fois sa prolongation. Le conseil municipal et les principaux élus eurois ont dénoncé la démesure d’un projet construit sans concertation, l’absence d’intérêt économique pour le territoire et le département. Les quatre communes limitrophes, également consultées dans le cadre de l’enquête publique, ont toutes émis un avis défavorable au projet.

Dans la torpeur du 15 août 2022, le commissaire enquêteur a rendu son avis. Il y dit en conclusion que le projet aurait mérité un avis défavorable mais qu’il lui donne finalement un avis favorable à la condition que Terreal modifie son projet en éloignant la carrière des habitations, en trouvant un autre itinéraire pour le transport des matériaux, qui ne traverse pas le village de Cahaignes, et en déplaçant la plateforme de stockage de matériaux afin notamment d’atténuer l’impact sur la biodiversité, et que cette modification de projet soit soumise à une nouvelle enquête publique…

Déterminé à combattre un tel nouveau projet, au motif qu’il serait toujours trop près des habitations et trop impactant pour la vie du village, le Collectif des opposants au projet, constitué dès le lancement de la première enquête publique et défendu par Maître Corinne Lepage, s’est mué en association loi de 1901, Vexin Nature Qualité de Vie, avec pour objet la préservation du patrimoine naturel et environnemental de Vexin sur Epte et la qualité de vie et la santé de ses habitants.

Le 6 octobre 2022, le Sous-Préfet des Andelys a reçu les différentes parties prenantes à ce projet, à savoir les représentants de Terreal, le Maire de Vexin sur Epte et son adjoint à l’urbanisme, le Président de Seine Normandie Agglomération et son Vice-Président en charge du développement durable, les représentants de Vexin Nature Qualité de vie et les services de l’État qui instruisent le dossier, notamment la DREAL, afin de faire le point sur ce dossier et la procédure administrative en cours. Les représentants de Terreal ont présenté à cette occasion la dernière mouture de leur projet, incluant la confirmation du déplacement de la zone de stockage et d’un nouveau parcours pour les camions évitant le centre du village, et le découpage de l’exploitation de la carrière en deux phases :

Sans surprise, Vexin Nature Qualité de Vie s’est positionnée contre ce nouveau projet pour un ensemble de raisons tournant autour de l’extrême proximité du projet de carrière avec le village, des difficultés d’accès direct au réseau routier principal et de la dégradation significative de l’attractivité du village et de son territoire. Ses représentants ont aussi rappelé que Cahaignes n’avait pas à faire les frais d’une recherche d’argile que les dirigeants de Terreal avaient bâclée, tout heureux qu’ils étaient d’avoir trouvé un agriculteur suffisamment compréhensif.

Voilà où en est ce dossier en cette fin d’année 2022. Nous rendrons compte de ses prochains développements dans la rubrique « actualités » du présent site.

Comment Terreal est arrivé à Cahaignes et pourquoi si près de ses maisons ??

Décembre 2022

Terreal exploite depuis 50 ans une carrière d’argile près de son usine de tuiles des Mureaux, à Chapet. La fin de vie de cette carrière est programmée pour 2023 depuis une dizaine d’années, ce qui a déclenché la recherche d’un nouveau gisement du même type d’argile dans une zone proche de l’usine des Mureaux.

En 2014, bingo pour Terreal (!) , ses équipes trouvent, dans une zone connue pour sa richesse en argiles du type qu’ils recherchent, un agriculteur, au demeurant conseiller municipal et communautaire, qui accepte, contre rémunération calée sur le tonnage d’argile extrait, de leur abandonner, pour les 50 années à venir, ses champs cultivés en bordure du village.

À ce moment de l’histoire, aucun des protagonistes, pas même la Maire du village, pourtant mise au courant, ne songe à se préoccuper des nombreux dégâts que subiront les riverains de la carrière, ceux de la route devant être empruntée par les camions, et tous ceux exposés au bruit, aux poussières, propriétaires d’habitations menacées par des mouvements de terrain, aucun d’eux ne pense aux paysages défigurés, aux atteintes à l’environnement et à la biodiversité !

Sept ans plus tard, Terreal dépose un dossier de demande d’autorisation environnementale pour l’exploitation d’une carrière d’argile sur ce terrain en octobre 2021. Les services de l’État commencent alors l’instruction du dossier aux fins d’évaluer sa conformité avant de le présenter à l’enquête publique. Au terme de cette instruction, l’Autorité Environnementale rend un avis de 17 pages dans lequel elle émet beaucoup de remarques, et pose beaucoup de questions au porteur du projet, auquel elle demande notamment « de mieux justifier le choix du site retenu par rapport à d’autres secteurs possibles » afin de s’assurer que l’implantation du projet sur le site de Cahaignes « est bien la solution la moins impactante pour l’environnement et la santé humaine ».

Rien de tout cela n’a filtré à Cahaignes. Lorsque le village apprend enfin ce qui s’est tramé depuis huit ans, la colère éclate. Le Collectif qui s’est spontanément constitué pour lutter contre le projet de Terreal pose à son tour la question à l’équipe-projet de savoir sur quelles bases le site de Cahaignes avait été considéré comme la solution de moindre impact. On se rend vite compte que les dirigeants de Terreal n’ont quasiment pas cherché ailleurs, tout heureux qu’ils étaient d’avoir fait ce deal avec l’agriculteur peu regardant de l’intérêt de son village et de la collectivité.

Dans un courrier adressé le 3 septembre 2022 au PDG de Terreal, Laurent Musy, nous lui demandons d’en finir avec ce projet absurde de Cahaignes et de mettre enfin Terreal à la recherche d’une argile de qualité loin de toute habitation. Nous lui rappelons que, sur cette question de la recherche de solutions alternatives, l’Autorité Environnementale les avait interrogés, nous les avions interrogés, le commissaire-enquêteur les avait interrogés. Et qu’ils n’avaient jamais produit le moindre début de preuve d’une quelconque recherche d’argile d’envergure en dehors de la carrière « historique » de Chapet, d’un site à Ecquevilly et de trois « sous-sites » à Vexin sur Epte.

Nous lui précisons dans ce courrier que, dans sa réponse au commissaire-enquêteur, Terreal avait inclus une carte qui définissait, à l’échelle du Bassin Parisien, la zone des argiles plastiques à smectite et fer homologues à celles de la carrière de Chapet. Et que cette zone s’étendait sur une superficie conséquente, grosso modo de Versailles jusqu’au-dessus de Gisors, ce qui nous incitait à penser qu’avec un peu de méthode et les moyens importants dont ils disposaient, ils n’auraient pas de difficulté à trouver une solution de moindre impact comme la Loi en fait obligation, avec un grand bon sens, à l’article R 122-5 du code de l’environnement.

Nous concluons ce courrier en indiquant que le village de Cahaignes et sa population n’ont pas à faire les frais d’une recherche d’argile que, sauf à ce qu’ils démontrent le contraire, leurs équipes avaient bâclée.

À ce jour, nous n’avons pas eu de réponse de Terreal et les services de l’État en charge du dossier ne semblent pas pressés de la connaître.

Vexin Nature Qualité de Vie
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Cahaignes
27420 Vexin sur Epte

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